BURKINA FASO
La voix de la Presse burkinabé

Cheminots ! Au travail

Du premier coup de pioche donné en Côte d'Ivoire jusqu'au PK (1145) à Ouagadougou, la construction du chemin de fer sur l'axe Abidjan-Ouagadougou a été essentiellement le fait de travailleurs voltaïques dont des milliers moururent de privations diverses au cours de cette grandiose épopée. 
La nécessité de maintenir ce patrimoine vivant est non seulement une exigence historique mais procède d'un devoir de mémoire et de respect envers ceux qui ont bâti. 


Premiers concernés, les cheminots doivent, en ces moments de crise, faire preuve d'audace et d'imagination pour que revive la voie.
Puisse ce petit scénario-projet contribuer à faire siffler le train comme l'appellent de leurs vœux des milliers de Voltaïques-Burkinabè.
Le train peut rouler comme de par le passé.
Le scénario pour une reprise des activités ferroviaires par les cheminots eux-mêmes peut être déployé en cinq étapes principales.

Première étape.
Un cheminot ou un groupe de cheminots, carte professionnelle en poche entreprend le tour des rédactions afin de solliciter l'insertion ou la diffusion gratuite de communiqués appelant les autres cheminots à une assemblée générale place Naba Koom par exemple.
Taux de succès de cette démarche : 100%

Deuxième étape
Au cours de l'assemblée générale, les intentions d'objectif seront exposées, à savoir, faire revivre la voie grâce aux cheminots eux-mêmes.
A l'issue de l'assemblée, un groupe d'une cinquantaine de personnes sera constitué et chargé des tâches ci-après :
-Rencontrer les représentants de SITARAIL afin de négocier l'utilisation de matériel roulant. L'argument ici est que, outre la détresse et la déchéance du personnel, les voies aussi bien que les bâtiments ou le matériel roulant se détériorent du fait de l'immobilisation prolongée alors que leur utilisation même réduite, permet de les maintenir et de limiter ainsi les dégâts qu'ils n'auront pas manqué de subir.
-Faire le point sur les besoins en personnel pour l'ouverture de la ligne Ouaga-Bobo-Ouaga ; former les équipes par convoi, répartir les activités et les équipes afin d'aboutir à un roulement pour le personnel mobile et à l'utilisation du plus grand nombre de cheminots (gare, contrôle, convoyage, vente de tickets, etc.)
-Rencontrer des opérateurs économiques afin de solliciter des fonds sous forme de subvention non remboursable devant permettre d'assurer le gasoil ainsi que certaines dépenses annexes pour six trains voyageurs par jour pendant dix jours. Si par exemple on prend une barre de quatre cent litres de gasoil par train et par voyage, il s'agira pour les cheminots de trouver, auprès de plus d'une cinquantaine d'opérateurs économiques, la somme d'environ 25 millions de francs. Evidemment 10% de ce montant seront affectés à l'initiateur du projet en guise d'indemnité de suggestion.
Un avocat hors du conseil habituel de SITARAIL sera coopté afin de recevoir et conserver les sommes obtenues jusqu'à concurrence du montant "opérationnel".
La recherche de fonds auprès des opérateurs économiques pourra être faite de la manière suivante :
a/ identification et listage des opérateurs retenus.
b/ Constitution des équipes, désignation de leur interlocuteur et briefing sur les méthodes d'approche,
c/ Dotation de toutes les équipes d'une lettre d'introduction auprès desdits opérateurs.
Cette lettre-introduction demandera aux destinataires de notifier sur un document écrit les sommes consenties au profit du projet, et, dans le cas de monnaie fiduciaire, libeller les chèques au nom de l'avocat qui aura été coopté. Un délai sera fixé et publié pour l'approche des sponsors et un autre délai sera indiqué pour le compte-rendu des démarches.

Troisième étape
A cette étape et sachant que le personnel a été briefé et les fonds acquis, les cheminots veilleront d'abord à affréter une locomotive et trois wagons avec tous les types d'outils et de qualification à bord. Ce train fera un voyage "au pas" afin de vérifier la voie, procéder sur place à toute réparation et déposer au fur et à mesure les différents travailleurs ; (chefs de gare, aiguilleurs, etc.). Chaque équipe sera déposée avec des vivres pour un mois.

Quatrième étape
Les tickets de passage seront imprimés et une campagne médiatique sera entreprise pour annoncer le réveil de la voie.
Afin de générer au plus tôt des fonds, les activités commenceront par l'exploitation de la ligne Ouaga-Bobo-Ouaga. Les cheminots veilleront à aligner trois trains par jour allant de Ouaga à Bobo à 7h, 14h et 23h et trois autres trains faisant le trajet inverse à partir de Bobo aux mêmes heures.

NB: L'inconscience de certains chauffeurs routiers, la fragilité des cars de transport de voyageurs face à la recrudescence du banditisme de même qu'un certain romantisme propre au voyage par train sont un gage de succès du trafic passagers.
Chacun a souvenance que dans les wagons, il est écrit : voyageurs assis 120, voyageurs débout 80 (si ce n'est l'inverse). Dans tous les cas, il y a une capacité de 100 places. Par modestie, on prendra une barre de 100 places par wagon. En prenant trois wagons par voyage avec un taux d'occupation de 75% on aura 225 passagers.
Si l'on garde le tarif de 5000 frs par voyageur, chaque voyage rapportera 1.125.000 Frs soit 6.750.000 Frs par jour pour l'ensemble du trafic.
A cela on peut ajouter un wagon spéciale pour les colis, mobylettes et autres. A partir de la première semaine d'activités les cheminots seront déjà en mesure de faire fonctionner leur société sans autre soutien.
Un forfait fixé en commun sera versé par mois à chaque cheminot selon sa catégorie.
Ce forfait croîtra proportionnellement aux ressources générées, l'objectif étant d'arriver au moins au salaire initial de l'intéressé.
Un autre montant sera reversé à SITARAIL et une troisième partie sera conservée pour les charges de fonctionnement.

Cinquième et dernière étape
Ouverture des lignes Niangologo-Bobo et Ouaga-Kaya, insertions de trains de marchandises pour rapprocher par exemple des produits tel le coton des ports de Téma, Lomé et Cotonou où ils seront ensuite acheminés par camions.
Les vigiles qui sont actuellement en poste à la direction où partout ailleurs seront remplacés par des cheminots auxquels SITARAIL reversera ce qu'il donnait à l'agence de gardiennage.
Le nettoyage des locaux administratifs, des quais et des wagons serra confié aux épouses et ayant-droits des cheminots.
SITARAIL préfinancera pour eux l'achat des produits et matériel de nettoyage et rentrera dans ses fonds en prélevant un certain pourcentage sur leur rémunération.

Remarque
Il est vital et indispensable d'ouvrir la totalité des gares existant sur la voie et d'y marquer, selon les heures, un arrêt. Il faut se rappeler que la caractéristique principale spécifique au chemin de fer est l'aptitude au transport de masse. Fait pour les masses, le chemin de fer fait vivre de ce fait des milliers de gens.
Ce ne sont pas seulement les cheminots qui doivent revivre mais tous ceux qui, d'une manière ou d'une autre, peuvent tirer parti de ce patrimoine. La richesse ne vient ni du rail ni du train mais de tous ceux qui, au-dedans ou à côté , savent entretenir, faire vivre et fructifier cette source d'espérances.
Même lorsque tout reviendra en ordre, les travailleurs veilleront à exiger des autorités politiques le maintien de l'ouverture des gares secondaires et le trafic normal des trains voyageurs. On ne peut pas interdire aux repreneurs d'avoir résolument le regard tourné vers son chiffre d'affaires mais ici, il s'agit d'un patrimoine historique et on ne peut pas non plus admettre que le concours de moyens financiers permette à quelques individus de mettre le mors à toute une nation.
Les maraîchers de Koudougou et Réo plaçaient chaque année des centaines de tonnes de leurs produits grâce aux rails.
Que dire des femmes qui, de Siby à Dorossiamasso, à Banfora ou à Bobo, faisaient vivre leurs familles grâce à leurs activités directement en rapport avec le chemin de fer ! Et ce petit garçon qui, en pleine gare de Bagassi, galope derrière un lièvre qu'il reviendra, ensuite vendre aux voyageurs de passage ! C'est cela le rail : l'occasion, l'opportunité, le brassage incessant.

Cheminots ! vous disposez d'une expertise unique au service d'un patrimoine unique.
Votre salut ne peut venir que de vous-mêmes.
Les bras croisés n'ont jamais enrichi personne et vous l'avez sans doute appris à votre corps défendant pendant ces longs mois d'inactivité. Cessez de vous lamenter et de rêver sur ce que vous fûtes. Il y a toujours possibilité pour un lâche de ne plus être lâche et pour un héros également de cesser d'être un héros. Faites vous-mêmes quelque chose et n'oubliez pas cheminots qu'il y a quelque chose de pire que de n'avoir pas réussi : c'est de n'avoir pas essayé. 

Par Luc B. NANA

Par Ben Alex BEOGO 

Africa online 13/01/2004


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